Nous célébrons aujourd'hui ce que nous avons accompli il y a vingt ans: l'union, le droit et la liberté pour notre patrie allemande. Nous nous souvenons de ce jour historique, tel qu'un peuple n'en vit vraiment que très rarement. En ce jour, je pense aux images en provenance de Berlin dans la nuit du 2 au 3 octobre. Aux personnes qui se tenaient devant le bâtiment du Reichstag. À l'attente tendue dans les instants précédant minuit. Au son de la cloche de la liberté. Au drapeau de l'unité hissé. À l'hymne national. Au sentiment de bonheur. Aux larmes. À la cohésion en ce moment historique de notre histoire. Vingt ans plus tard, cet événement m'inspire toujours une reconnaissance infinie.
Depuis vingt ans, nous sommes de nouveau «l'Allemagne, patrie unie». Mais que signifie «patrie unie»? Par quoi sommes-nous liés? Nous sommes-nous réunis malgré toutes nos différences?
Un premier élément de réponse paraît évident: il s'agit de la mémoire de notre histoire commune. Elle comporte le souvenir de tous ceux qui ont rendu cette unité possible. De tous les militants pour les droits civiques qui se sont fermement opposés à une dictature. Feu Bärbel Bohley était l'une d'entre eux. Elle a montré ce que le courage peut accomplir et a ainsi donné du courage à de nombreuses autres personnes. «Rien n'était trop grand pour que nous ne nous y attaquions, rien n'était trop petit pour que nous ne nous en occupions.» Cette célèbre phrase de Bärbel Bohley me touche aujourd'hui encore. Et je m'incline devant elle et tous ceux qui se sont battus pour la liberté.
Nos Églises ont offert un asile à ce nouveau combat courageux pour la liberté. De nombreuses personnes sentaient qu'il fallait que les choses changent. Mais ce seul sentiment ne change absolument rien. C'est à moi de changer quelque chose. Et tout a commencé avec les prières et les manifestations du lundi. Au départ, peu de personnes descendaient dans la rue, mais avec le temps, de plus en plus de courageux se rassemblèrent partout en Allemagne de l'Est. C'est ce qu'on a appelé le «miracle de Leipzig». Son intensité et son déroulement pacifique en ont réellement fait un miracle, un tournant, opéré par le peuple. Ce dernier s'est lui-même libéré de la dictature, sans effusion de sang. Certes, la volonté de liberté des gens avait toujours été là, intacte. Mais le moment était venu. Et ce qui avait encore été écrasé par les chars en 1953 ne put plus être stoppé en 1989. Telle est la réelle contribution historique de ces hommes et de ces femmes. Leur courage a impressionné le monde entier.
Sans le mouvement de libération européen, l'unité allemande n'aurait pas été concevable. Elle ne l'avait pas été sans les ouvriers polonais soutenus par leur Pape, Jean-Paul II, qui a déclaré «N'ayez pas peur» dans son propre pays. Le mouvement «Solidarnosc» s'est battu pas à pas pour sa liberté, et par là même également pour la nôtre. Jumelée avec Gdansk, Brême est l'endroit idéal pour le rappeler. L'unité n'aurait pas été faisable non plus sans Mikhaïl Gorbatchev, qui, dans le cadre de la Glasnost et de la Pérestroïka, mit fin à la prétention au pouvoir de l'Union soviétique sur d'autres pays, rendant ainsi possible l'autodétermination en Allemagne. Ni sans le gouvernement hongrois qui fut le premier à ouvrir ses frontières. Russes, Polonais, Hongrois: ces amis nous ont considérablement aidés, alors que cela n'avait vraiment rien d'évident si l'on pense à la première moitié du siècledernier.
Nous nous souvenons des mois au cours desquels les représentants de la Volkskammer et du Bundestag luttaient pour franchir les nombreuses petites étapes vers l'unité allemande. Ce qui fut accompli jusqu'au 3 octobre 1990 constitue une prestation sans précédent du monde politique et des administrations dans les deux Allemagnes.
Il y eut des peurs et des résistances. À l'étranger notamment, de nombreuses personnes se sont demandées si tout irait bien si l'Allemagne allait mieux. Et qui pouvait leur en vouloir, après les fourvoiements, les horreurs et les catastrophes venus d'Allemagne dans la première moitié du XXe siècle.
Des hommes d'État visionnaires permirent de surmonter les peurs et les résistances, tels que Helmut Kohl et Hans-Dietrich Genscher, aux côtés de Lothar de Maizière. Konrad Adenauer, Willy Brandt et Helmut Schmidt furent des précurseurs. Ils ne cessèrent de renforcer la confiance en notre pays, en notre peuple. Sans cette confiance, la réunification n'aurait pas eu lieu de la sorte. C'est un travail remarquable que le monde politique et la diplomatie ont réalisé là au cours de ces décennies. La réunification n'aurait pas non plus été possible sans nos amis de l'Alliance transatlantique qui, pendant plus de quarante ans, ont garanti la liberté de la République fédérale et de Berlin-Ouest. Nous n'oublierons pas non plus le soutien qu'a apporté George Bush père à l'unification. Pour tout cela, nous sommes extrêmement reconnaissants.
Suite à la réunification, l'Allemagne a pu redevenir, dans sa totalité, un membre à part entière de la communauté internationale. Nous sommes entourés d'amis. Quelle chance énorme, pour notre pays et tous les citoyens d'Europe.
De deux États en est né un. Cela n'a pas été sans difficulté. Mais la solidarité a été immense. Les Allemands de l'Ouest se sont engagés à l'Est et pour l'Est avec leur savoir, leur esprit d'entreprise et leur expérience politique. Mais ce sont les Allemands de l'Est qui ont porté le plus grand poids du profond changement qui permit à notre pays de se retrouver. Ils durent en quelque sorte recommencer leur vie du début, réorganiser leur quotidien, saisir des perspectives. Et ils l'ont fait. Avec une incroyable volonté de changement. À laquelle on n'a, jusqu'à présent, pas encore rendu suffisamment hommage.
Nombre d'entre eux purent enfin réaliser leurs espoirs, voyager où ils le souhaitaient, étudier et lire ce qu'ils souhaitaient, discuter de ce qu'ils souhaitaient avec qui ils le souhaitaient, décider librement de leur métier ou se mettre à leur compte grâce à leurs idées. D'autres ont dû se battre pendant des années pour leur nouveau départ personnel. Certains jusqu'à aujourd'hui.
Certes, certaines choses dignes d'être conservées se sont également perdues. Mais des choses incroyablement précieuses ont été gagnées: les citoyens ont fait l'expérience qu'ils pouvaient façonner leur propre vie en toute liberté grâce à leur courage de changer les choses. Ce faisant, ils ont ajouté un important chapitre à notre histoire allemande. Ils ont fait de toute l'Allemagne une autre Allemagne. Ils nous ont montré comment surmonter des bouleversements, pour notre bonheur personnel comme pour notre cohésion à tous.
Nous en venons maintenant au deuxième élément de réponse à notre question: «L'Allemagne, patrie unie» ? Que cela signifie-t-il aujourd'hui? Vingt ans après l'unité, nous voici confrontés à l'importante tâche de trouver de nouveau le courage de changer, de permettre une nouvelle cohésion dans un monde évoluant à toute vitesse. Car dans ce monde, les promesses de vieilles certitudes sont bien entendu populaires, mais elles sont souvent trompeuses.
Notre pays s'est ouvert, davantage tourné vers le monde, il s'est diversifié et est devenu plus varié. La vie quotidienne et les modes de vie se sont modifiés. Vous en connaissez tous les raisons: compétitivité internationale, voies marchandes à l'échelle mondiale, nouvelles technologies, communication sans frontières, arrivée de migrants, changement démographique - sans oublier les nouvelles menaces de l'extérieur. Dans notre pays, les différents milieux s'éloignent plutôt les uns des autres: l'univers des personnes âgées et celui des jeunes, des hauts salaires et de ceux qui vivent du minimum vital, des personnes avec ou sans emploi stable, du peuple et de ses représentants, ainsi que des personnes de différentes cultures et croyances.
Certaines de ces différences provoquent des craintes. Nous ne pouvons les ignorer. Malgré cela, nous ne le dirons jamais assez: un pays libéral comme le nôtre vit de la diversité, il vit des différents modes de vie, il vit de notre ouverture face à de nouvelles idées. Sans cela, il ne peut subsister. Trop d'égalité asphyxie nos propres efforts et ne peut être obtenu en fin de compte qu'au prix du manque de liberté. Notre pays doit tolérer la diversité. Il doit même la désirer. Mais de trop grandes différences compromettent la cohésion.
Apprécier la diversité et ressouder les fractures dans notre société, cela préserve des illusions, cela crée une vraie cohésion. Telle est la mission de l'«unité allemande» aujourd'hui.
En 1989, les Allemands de l'Est ont scandé: «Nous sommes le peuple, nous sommes un peuple!» Cela a réveillé un sentiment national qui s'était éparpillé depuis longtemps, pour des raisons historiques bien compréhensibles. Entre-temps, une nouvelle conscience de soi a vu le jour dans toute l'Allemagne, un patriotisme détendu, un attachement explicite à notre pays qui reconnaît sa grande responsabilité à l'égard du passé et façonne son avenir en conséquence. Cette nouvelle assurance nous fait du bien. Cela fait également du bien à nos relations avec les autres: car qui aime et respecte son pays peut plus facilement aller vers les autres.
«Nous sommes un peuple!» Ce cri de l'unité doit aujourd'hui constituer une invitation à tous ceux qui vivent ici. Une invitation qui n'est pas arbitraire, mais qui repose sur les valeurs qui ont rendu notre pays puissant. Un «nous» vu sous cet angle permettra à la cohésion de réussir, entre ceux qui ne vivent ici que depuis peu et ceux qui sont ici chez eux depuis tellement longtemps qu'ils ont oublié que leurs ancêtres venaient peut-être également d'ailleurs.
Lorsque des musulmans allemands m'écrivent: «Vous êtes notre président», je leur réponds de tout coeur: «Mais bien sûr que je suis votre président!» Et ce avec la passion et la conviction avec lesquelles je suis le président de toutes les personnes qui vivent ici, en Allemagne.
J'ai été très heureux de lire la lettre ouverte d'un groupe d'écolières et d'écoliers dont les racines familiales étaient situées dans 70 pays différents. Ces adolescents bénéficient tous d'une bourse octroyée par une fondation qui soutient des jeunes particulièrement actifs en Allemagne. Ils écrivent: «À nos yeux, il n'est pas important de savoir d'où l'on vient mais bien plus où l'on veut aller. Nous croyons que nous trouverons notre voie ensemble. Nous voulons vivre ici, car nous sommes l'Allemagne.»
Bien sûr qu'il est important de savoir d'où l'on vient. Il serait dommage que cela ne soit pas le cas. Mais le message décisif de cet appel est bien: Nous sommes l'Allemagne!
Nous sommes l'Allemagne. Oui, nous sommes un peuple. Ces personnes aux racines étrangères comptent à mes yeux, et je ne veux pas qu'elles soient blessées dans des débats par ailleurs nécessaires. Nous ne devons pas laisser des légendes se répandre, ni des préjugés et des exclusions se renforcer. Cela est dans notre propre intérêt national.
Car l'avenir, j'en suis inébranlablement convaincu, appartient aux nations ouvertes à la diversité culturelle, aux nouvelles idées et à la découverte de personnes et de choses étrangères. Avec ses contacts dans le monde entier, l'Allemagne doit être ouverte face à ceux qui viennent chez nous de toutes les régions du monde. L'Allemagne a besoin d'eux! Dans le cadre de la concurrence mondiale pour la conquête des meilleurs cerveaux, nous devons attirer les meilleurs et rester attrayants pour que les meilleurs restent. J'adresse à tous la requête suivante avec insistance: ne nous laissons pas acculer dans une fausse confrontation. Johannes Rau avait déjà lancé un appel très intelligent et réfléchi à tous les Allemands il y a dix ans, leur demandant de vivre ensemble en Allemagne «sans peur et sans chimères».
Car nous nous sommes séparés depuis bien longtemps de trois mensonges à la vie dure. Nous avons réalisé que les «Gastarbeiter », ou travailleurs étrangers, n'étaient pas venus de manière provisoire, mais qu'ils restaient durablement. Nous avons reconnu qu'une immigration avait eu lieu, même si pendant longtemps, nous ne nous sommes pas définis en tant que pays d'immigration et que nous avons mené l'immigration en fonction de nos besoins. Nous nous sommes également rendu compte de ce que les illusions multiculturelles avaient régulièrement sous-estimé les défis et les problèmes: impossibilité de se sortir des aides d'État, taux de criminalité et comportements machos, refus d'éducation et de participation. J'ai lu les centaines de lettres et de courriels qui m'ont été envoyés à ce sujet. Je suis très préoccupé par les soucis et les peurs des citoyennes et des citoyens, de même que la politique les prend clairement au sérieux, à juste titre.
Et pourtant, nous sommes plus avancés que le débat actuel ne le laisse penser. Le fait de devoir apprendre l'allemand quand on vit ici recueille depuis longtemps un large consensus. Tout comme le fait que ce sont la loi et le droit allemands qui doivent s'appliquer en Allemagne. S'appliquer à tous: nous sommes un peuple.
Des centaines de milliers de personnes s'engagent au quotidien pour une meilleure intégration. Nombre d'entre eux, les «aiguilleurs de l'intégration» par exemple, le font volontairement, de manière désintéressée et bénévole. Nos communes et les Länder accomplissent un travail remarquable lorsque la politique et les citoyens s'associent. Tous doivent tisser le réseau qui assure la cohésion de notre société dans toute sa diversité et malgré toutes ses tensions.
Même si nous sommes plus avancés que le débat actuel ne le laisse penser, nous ne le sommes de toute évidence pas assez. Oui, il y a du retard à rattraper, et j'en cite quelques exemples: cours d'intégration et de langue pour toute la famille, offres d'enseignement dans les langues maternelles, cours de religion islamique par des enseignants formés ici et bien évidemment en allemand. Et oui, il nous faut faire preuve de bien plus de détermination dans le respect des règles et des devoirs, avec les enfants absentéistes par exemple. Cela vaut d'ailleurs pour tous ceux qui vivent dans notre pays.
Mais avant tout, il nous faut adopter une attitude claire. Une conception de l'Allemagne qui ne se limite pas à une appartenance indiquée sur un passeport, à une histoire familiale ou à une confession, mais qui soit plus large. Le christianisme fait sans nul doute partie de l'Allemagne. Le judaïsme fait sans nul doute partie de l'Allemagne. Telle est notre histoire judéo-chrétienne. Mais désormais, l'Islam fait aussi partie de l'Allemagne. Johann Wolfgang von Goethe l'a exprimé en ces termes dans son Divan occidental-oriental, il y a deux cents ans:
«Celui qui se connaît lui-même et les autres, reconnaîtra aussi ceci: l'Orient et l'Occident ne peuvent plus être séparés.»
Qu'ont dit ces écoliers? Ce qui est important, c'est où l'on veut aller. Ils croient que nous trouverons une voie commune. La voie commune nécessite cependant qu'il y ait accord sur l'objectif commun.
J'en viens au troisième élément de réponse à notre question de départ. «L'Allemagne, patrie unie», cela signifie respecter et protéger notre Constitution et les valeurs inscrites dans celle-ci. Et en tout premier lieu la dignité de tout être humain, mais aussi la liberté d'expression, la liberté de religion et de conscience, l'égalité entre hommes et femmes. Cela signifie se tenir à nos règles communes et accepter notre mode de vie. Ceux qui ne le font pas, qui méprisent notre pays et ses valeurs doivent s'attendre à une résistance déterminée de tous; cela vaut pour les fondamentalistes tout comme pour les extrémistes de droite ou de gauche.
Nous nous attendons, à juste titre, à ce que chacun apporte sa part à notre communauté en fonction de ses capacités. Nous ne fermons pas les yeux sur ceux qui abusent de notre esprit de solidarité. La juge des enfants de Berlin Kirsten Heisig a eu des mots très simples et très justes à ce propos: «Notre État social n'est pas un self-service sans contrepartie.» Dans son livre, elle poursuit: «Lorsque les personnes reçoivent des prestations de l'État, la communauté peut attendre au moins que leurs enfants soient envoyés à l'école afin qu'ils prennent un autre chemin et puissent plus tard voler de leurs propres ailes.»
Nous avons du respect pour tous ceux qui apportent quelque chose à notre pays et à sa culture. La femme médecin, le professeur d'allemand, le chauffeur de taxi, la présentatrice de télévision, le marchand de fruits et légumes, le joueur de football, le réalisateur, la ministre, et beaucoup d'autres exemples d'intégration réussie. De ceux-là aussi, nous nous réjouissons trop rarement.
Nous pouvons être fiers de ce que nous accomplissons au plan culturel, scientifique et économique. Surtout, nous pouvons être fiers du climat social qui règne dans notre pays, de sa tolérance, de sa capacité à passer des compromis et de sa solidarité. Cela nous a d'ailleurs bien servi pendant la crise économique. Syndicalistes, employeurs, salariés, tous l'ont montré: la force de l'équilibre, de la négociation, de trouver des solutions ingénieuses, la force de la cohésion, la force du consensus, tout cela, c'est l'Allemagne!
Une nouvelle cohésion n'est possible dans la société que si les plus forts ne se dérobent pas et si les plus faibles ne sont pas exclus. Que si chacun est mis devant ses responsabilités et que chacun peut prendre des responsabilités.
Ceux qui cherchent en vain du travail depuis longtemps, qui doivent enchaîner les emplois précaires, qui ont le sentiment de ne pas être utiles et de ne pas avoir de perspective, ceux-là se détourneront, déçus, et c'est compréhensible, de cette société.
Ceux qui font partie de l'élite, des responsables et des décideurs, et qui se réfugient dans un monde parallèle bien à eux, coupé du réel, ceux-là aussi se détournent de cette société. Malheureusement, c'est exactement ce que nous avons vécu lors de la crise financière. Personne ne devrait oublier ce qu'il doit aussi au hasard de sa naissance et à notre pays, et chacun devrait considérer qu'il est de son devoir de rendre quelque chose à notre collectivité.
Les personnes âgées, de plus en plus nombreuses, font déjà beaucoup. Nombreux sont ceux qui veulent poursuivre leur activité professionnelle au-delà de la limite d'âge, mais avec quelques heures en moins. Nous devons rendre cela possible. D'autres s'engagent bénévolement, mettent leur savoir et leur expérience à disposition; alors pourquoi pas dans le cadre d'une année sociale volontaire pour les personnes âgées?
À quoi ressemble une société dans laquelle personne ne se sent de trop et pour laquelle personne n'est de trop? Comment intégrer ceux qui n'ont plus de travail depuis de nombreuses années? Comment peuvent participer ceux à qui, en raison d'un handicap, les mêmes chances ne sont aujourd'hui toujours pas offertes?
La façon la plus efficace de renforcer la cohésion est de faire confiance aux autres et de les croire capables d'accomplir quelque chose. Les individus peuvent réaliser tant de choses si quelqu'un croit en eux et les soutient. J'ai pu en faire l'expérience à maintes reprises. Dans la crèche de mon fils, dans laquelle sont accueillis des enfants handicapés et non handicapés, il y a un petit garçon. On avait prédit à ses parents qu'à cause de son handicap, il pourrait seulement apprendre à marcher à quatre pattes. Aujourd'hui, à trois ans, il marche. Grâce à des méthodes innovantes de pédagogie précoce et d'orthopédagogie, parce que ses parents et éducateurs l'ont soutenu et ont cru en lui et qu'il a pu apprendre des autres enfants.
Nous devons commencer par les enfants. De même que beaucoup ont jadis cru à l'unité alors qu'elle était encore bien loin, nous devons nous fixer des objectifs qui semblent éloignés mais sont réalisables. Plus aucun enfant ne doit commencer l'école sans avoir une bonne connaissance de l'allemand. Aucun enfant ne doit quitter l'école sans diplôme. Aucun enfant ne doit être laissé sans perspective professionnelle. C'est de nos enfants et de nos jeunes qu'il s'agit. Ils sont le bien le plus précieux que nous possédions, sachant aussi le changement démographique que traverse notre société.
Certaines choses ne coûtent pas un centime, seulement du temps et de l'attention: entreprendre quelque chose avec un enfant, pas seulement avec le sien, lui lire quelque chose, l'écouter. Nous avons besoin de parents qui disent à leurs enfants: faites des efforts. Il nous faut féliciter et soutenir les enseignants qui disent: nous ne cesserons pas nos efforts pour encourager et accompagner chacun de ces enfants. Nous avons besoin de plus d'entrepreneurs qui disent: nous donnons leur chance à ceux qui la méritent, et ils sont nombreux, qu'ils s'appellent Schulze ou Yilmaz, qu'ils aient des enfants ou non, qu'ils soient considérés comme trop jeunes ou trop vieux.
Parmi ceux qui malgré les obstacles ont pu avoir un bon avenir, nombreux sont ceux qui le doivent à des individus qui les ont aidés dans les moments décisifs - sans raison. J'ai moi-même eu des enseignants et des voisins qui m'ont aidé lorsque ma mère est tombée malade - sans raison. Le père de SOS villages d'enfants, Hermann Gmeiner, l'a exprimé en ces termes: «Tout ce qui est grand sur cette terre est accompli parce que quelqu'un fait plus que son devoir.»
«Nous sommes le peuple»: avec ces quatre mots, des hommes et des femmes qui se sont montré solidaires ont balayé tout un régime. Chacun de ceux qui ont lancé ces paroles a vaincu un sentiment d'impuissance, déclaré son indépendance et pris ses responsabilités. C'est le sens que devraient donner nos enfants à notre histoire et à l'inestimable valeur de la liberté, de la responsabilité, de la justice.
Ils doivent apprendre comme il est important de nous attaquer ensemble, avec d'autres, aux missions de l'avenir. Ne pas ignorer la peur de l'inconnu, de la nouveauté et de la concurrence mais aborder l'avenir avec d'autant plus de détermination et de courage car la peur, comme chacun le sait, est très mauvaise conseillère.
L'Union européenne que nous avons créée est un magnifique modèle de réussite pour la coopération. Je me réjouis que tant de représentants européens soient parmi nous. «Unie dans la diversité» est à juste titre la devise européenne sous laquelle nous avons créé une intégration d'États-nations sans précédent. Elle montre au monde entier que les Européens ont tiré les leçons de leur douloureuse histoire. Les questions mondiales les plus brûlantes, telles que la protection du climat, la lutte contre la pauvreté, la défense contre le terrorisme et la restructuration des marchés financiers, les Européens devront les traiter ensemble. Le monde change. Les pays émergents prennent les places qui leur reviennent, que ce soit l'Indonésie, le Brésil, la Chine, la Russie ou l'Inde. Nous autres Européens devons oeuvrer à un ordre mondial dans lequel nous nous sentirons bien, même lorsque notre poids relatif y aura diminué. L'Europe fait l'objet de nombreuses critiques ces jours-ci. Mais je ne cesserai de m'engager pour l'Europe parce que l'Europe est notre avenir et parce que les Allemands devraient rester un moteur de l'Europe.
Pour notre pays, un espoir s'est concrétisé le 3 octobre 1990, il y a exactement vingt ans aujourd'hui. En même temps, ce 3 octobre-là nous a offert une chance unique de prendre un nouveau départ. Nous avons saisi cette chance de manière convaincante. Soyons fiers, ensemble, et pas seulement aujourd'hui, de ce que nous avons accompli. Mais nous n'avons pas fini, un État, un peuple n'a jamais fini. Il s'agit de préserver la liberté, de toujours rechercher et recréer l'unité. Il s'agit de faire de ce pays un foyer, pour tous; de s'engager pour des conditions de vie équitables, pour tous. Ce pays est notre pays à tous, que nous soyons de l'Est ou de l'Ouest, du Nord ou du Sud, et quelle que soit notre origine. Nous vivons ici, nous aimons vivre ici, nous vivons ici, ensemble, dans la paix; ici, nous représentons l'union, et le droit, et la liberté.
Nous allons de l'avant avec courage et confiance. Les vingt dernières années ont montré ce que nous pouvons réaliser ensemble et ce que par conséquent nous pourrons réaliser à l'avenir. Nous nous sommes réunis et, ensemble, nous avons grandi.
Que Dieu protège l'Allemagne!